LA CHAPELLE FLOROS
au cimetière de Saint-Eugène, à Alger



La sépulture Floros
Cimetière de St Eugène à Alger

J'ai visité bien des cimetières, à la recherche d'ancêtres, à Vienne, Trieste, Chios, Livourne, Marseille, et j'ai eu la chance de pouvoir mettre en face de noms connus, des dates, des lieux, des anecdotes. J'ai retrouvé des personnages connus, arrières-grands oncles ou arrières-grands-mères...Chaque découverte était l'occasion de me replonger dans la généalogie que je commençais de dresser, m'apportant de nouveau de quoi alimenter mes futurs souvenirs, et de quoi tenter de renouer avec la vie du passé et de ceux qui l'avaient vécu.

Il est vrai qu'avec la Diaspora des habitants de l'Ile de Chios, à la suite des Massacres de 1822, les familles s'étaient dispersées principalement tout autour de la Médirerranée, mais aussi plus loin, en Autriche, ou en Russie et en Angleterre. Ils s'étaient établis dans la ville choisie,la plupart du temps, parce que certains des leurs y étaient déjà installés. On retrouvait donc des Vlasto à Vienne, à Iasi, Taganrog, Trieste, Livourne, Alexandrie, Marseille et bien d'autres encore soit à Londres soit à Manchester ou Liverpool. Il se tissait pour moi, une sorte de toile de fond, à une histoire que le hasard m'avait fait découvrir, mais que je m'étais appliquée à faire grandir en cherchant toujours plus avant ce que je pouvais découvrir.

Michel Vlasto

Je gardais en mémoire cet étonnement que nous avions eu dans le cimetière orthodoxe de Trieste, en découvrant une tombe ornée d'une sculpture magnifique, en pierre, portrait d'un homme paraissant âgé et que nous avons alors identifié grâce à l'épigraphe gravé sur la pierre tombale : il s'agissait de Michel Vlasto, Démogeront à Chios au moment des Massacres et nous pouvions alors mettre un visage sur un nom qui avait laissé tant de traces dans l'Ile de Chios où il était né. Toutes ces tombes, ou ce qu'il en restait parfois, avaient dû être magnifiques, entretenues, visitées, et restaient maintenant pour la plupart abandonnées aux vents et aux pluies, sans que personne ne se préoccupe d'elles et de ceux qu'elles abritaient.

Mais je n'oubliais pas Alger. Chapelle 63

J'ai quitté Alger à la fin des années 60 mais j'y suis retourné de nombreuses fois parce que mon Père y travaillait encore et que j'y avais des amis.

Ci-contre la chapelle en 1963. Elle venait d'être arrangée et repeinte.
En ces temps-là je pouvais aller au cimetière de St Eugène et m'occuper de la petite chapelle orthodoxe qui avait été construite par Athanase Floros, mon arrière-arrière-grand-père, dans les années 1880/90. Il était alors Consul de Grèce à Alger et voulait que les ancêtres de son épouse Arghyro et elle-même trouvent un dernier refuge digne d'eux. Lui-même devait mourir en 1894 et y fût inhumé par ses enfants.

C'est ainsi que se retrouvèrent ici, Iannis Zygomala, de Chios, et son épouse Loula Vlasto, de Chios. Tous deux étaient nés avant le début du 20è siècle, s'étaient probablement mariés à Chios vers 1820/21 et eurent une fille Arghyro dont je ne sais pas encore le lieu de naissance. Peut-être Chios, ou bien Syra où ils firent halte avant de partir pour Livourne où Arghyro a très bien pu voir le jour.
[En décembre 2004, à Aix en Provence aux Archives d'Outre-Mer, je découvrais que Arghyro était née à Chios en 1822, juste avant les massacres - FBB]
La diaspora avait aussi conduit certains de ses membres vers l'Afrique alors au moment de sa conquête, Iannis et Loula s'établirent à Alger et y moururent.

Mais leur fille s'était mariée entre-temps avec l'homme de confiance de son Père, Athanase Floros. Continuant les affaires de son beau-père dans le négoce des grains pour approvisionner l'armée française, ils eurent sept enfants. Sept filles et un garçon, dont j'ignore le lieu de sa sépulture. Trois de leurs filles sont inhumées ici, Hélène, dite Julie, mon arrière-grand-mère, Estelle et Aspasie qui moururent jeunes, ainsi que le dernier mari de Julie, Edmond Bruch, Professeur à l'Université d'Alger. Cécile Treille, née Tisserand, morte en couches, ma grand-mère paternelle, Hélène Boussat, née Tisserand et ma mère, Simone Bernard, née Boniffay, furent les dernières occcupantes de la chapelle.
[On ignore actuellement où est inhumée la première fille d'Arghyro et Athanase Floros, Julie, née à Syra (Grèce) en 1838 et décédée à Alger en 1846 - FBB-05-01-17]


Récemment, un de mes amis fit un court séjour d'affaires, à Alger. Sachant combien il était attaché comme moi à ce qu'il appelle encore "notre pays", je me doutais qu'il irait à St Eugène pour visiter, les siens. Aussi je le chargeais de la mission de passer par la chapelle Floros, pour voir si elle était encore debout...Le cimetière avait bien changé. Mais il était très bien gardé et entretenu dans la mesure du possible, tout au moins pour toutes les parties communes. Alexandre n'eût aucun mal à retrouver la chapelle, dans la première allée en rentrant à gauche. Il en prit des photos accompagné du gardien, qui m'a-t-il dit était très respectueux de l'endroit et du recueillement et me les donna. Mon cœur battit un peu plus vite lorsque je les regardais... Mais malgrè les injures du temps, elle était là notre chapelle, et un joli figuier avait remplacé les cyprès; il cachait à moitié l'entrée et la porte rouillée, le temps paraissait clair et beau. Le cimetière est situé face à la mer et tourne le dos à la colline de N.D. d'Afrique et sa basilique à la vierge noire. J'ai partagé avec mon ami, tous les tumulteux sentiments que nous avons eus l'un après l'autre lui devant le réel et moi plus virtuellement. Je lui en sais une très grande reconnaissance.

J'ai voulu, à ma manière, donner une image de ceux qui reposent ici, en leur honneur, et afin qu'ils continuent de vivre parmi nous.




La Chapelle Floros
et ceux qu'elle abrite

Si les injures du temps, et parfois des hommes, peuvent détruire ces lieux où tant de morts reposent dans le monde entier, sans que nous y puissions grand chose, nous avons un certain devoir, lorsque nous le pouvons, de conserver leur mémoire et leur souvenir d'une manière ou d'une autre. Faisons-le.
"Ils nous ont précédés : nous les suivrons"

Le Coran


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