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La place du Gouvernement
Huile sur toile de J.D Bascoulès - 1931
Collection F.Bernard Briès ©
 

AU BORD DE LA MEDITERRANEE 

 
Moussia
"Nous étions différents les uns des autres, mais nous avions tous en commun le fait d'être d'ici et d'ailleurs. Même pour ceux - la majorité - qui n'avaient jamais voyagé, il existait un coin de terre sacrée quelque part sur l'autre rive de la Méditerranée. Nous étions différents les uns des autres, mais nous vivions ensemble dans une réalité que se partageaient plusieurs religions, plusieurs langues, plusieurs lois... Même si, à l'origine, nos ancêtres étaient venus de France, d'Espagne, d'Italie, de Grèce... nous n'avions qu'un seul drapeau et nous en étions fiers, il était bleu, blanc, rouge. Tous, nous avons été élevés et instruits dans sa vénération... Nous avions beaucoup d'espace, beaucoup de liberté, beaucoup de droits, et le devoir de mourir pour la France."
Marie Cardinal , romancière née á Alger et amie.

En quelques lignes comment faire pour nous mieux expliquer, nous mieux définir? Nous avons retrouvé notre drapeau en venant en France, c'était le même que nous avions toujours connu et n'étions pas dépaysés, mais par contre déracinés. On ne peut effacer six générations d'un seul coup. Nous reste au coeur ce sentiment que "notre pays" était l'Algérie.   L'histoire se renouvelle sans cesse : les plus lointains de mes ancêtres venus en Algérie en 1832, avaient fui l'Ile de Chios, en Grèce, au moment des Massacres perpétrés par les Turcs pour s'arroger le droit de posséder Chios en 1822. Ils s'étaient installés d'abord à Livourne puis à Marseille et Jean Zygomalas faisant le commerce de céréales partit avec les siens s'installer à Alger pour approvisionner l'armée française venue faire la conquête de l'Algérie. Nous avons fui l'Algérie, ils avaient fui Chios mais à leur différence nous sommes revenus chez nous. Cent trente ans de présence dans un seul et même endroit représentent six générations. De notre Julie Vlasto avec son mari Iannis [Jean] Zygomalas échappant aux hordes turques qui menaçaient leurs vies, jusqu'à ma dernière fille Cécile née à Alger peu avant l'indépendance, se sont écoulées des années de vies, de bonheurs, de chagrins, de travail. Beaucoup de travail, pour construire, pour bâtir, pour s'instruire, pour faire de cet endroit une patrie.
Dans l'enfance, impossible de faire la distinction entre ce que l'on appelait la Mère Patrie et l'endroit où nous vivions. Je me pensais en France en vivant à Alger, une France coupée en deux par une mer superbe. Je ne regardais pas au-delà des confins du Sahara.

J'étais française...

...et le suis toujours.

Ville d'Alger 
Le Ville d'Alger

L'été, pour fuir les mois les plus chauds nous traversions la mer, facilement sur de beaux bateaux noirs et blancs ou d'un coup d'aile en avion. C'était bien. Nous retrouvions notre langue, de la famille, des amis, exactement comme si nous étions allés de Marseille à Lille.

La belle insouciance de l'enfance a fait place aux découvertes dans nos études, d'un pays habité déjà avant notre arrivée d'un peuple diversifié mais qui lui aussi allait prendre conscience de son idendité. Cette découverte qui était une évidence, a fait place à une certaine inquiétude puis à une angoisse tenace de l'avenir. Et nous avions raison de nous préoccuper de l'avenir. Comment absorber sans tumulte sans heurts, ces revendications bilatérales ? Cela eut-été vraiment difficile de nous en aller tranquillement laissant derrière nous un passé déjà trop important. Et par ailleurs comment ne pas reconnaître l'idéntité de ce peuple algérien ?

Il y eu la guerre. Cette guerre que l'on a pudiquement appelé "les événements d'Algérie". Comme beaucoup d'autres guerres et de conflits de toutes sortes elle a marqué bon nombre d'entre nous et lorsque j'écris "d'entre nous"j'entends bien, français et algériens. Elle a laissé des morts, des blessés, des martyrs, des disparus. C'était un peu la guerre du désespoir. Et l'évidence s'est imposée à nos regards et dans notre esprit : il fallait partir. Et partir c'était abandonner, nos ancêtres, notre vie, ce que nous avions bâti, construit, cette montagne de souvenirs merveilleux et parfois douloureux.

Il n'y avait qu'un réconfort à ce départ : nous revenions dans une autre partie de la France, qui était en réalité la France elle-même, celle de l'autre rive de la Méditerranée, celle dont nous retrouverions le drapeau que nous avions toujours vu flotter à Alger. Ce ne fut pas facile, ce fut triste et véritablement traumatisant pour la majorité d'entre nous. Nous en resterions marqués à jamais.

L'instinct de vie, l'instinct de conservation sera le plus fort. Il nous faudra des années, non pas pour oublier - on ne peut pas oublier l'Algérie - mais pour construire de nouveau la vie. Et je crois pouvoir dire que nous y sommes tous arrivé.

Nos petits-enfants auront besoin de nous pour leur expliquer cette tranche d'Histoire. Nous, Français d'Algérie avons vis-à-vis d'eux ce devoir de Mémoire. 

C'est en lisant "La colline visitée", livre offert par un ami très cher et dont la référence suit, que j'ai choisi la superbe image qui termine ce petit texte et qui peut évoquer pour grand nombre d'entre nous la beauté de la ville d'Alger.

Vue d'Alger 


Bibliographie

Mon Algérie - Monique Ayoun et Jean Pierre Stora - Editions Acropole

La Colline visitée - Rachid Mimouni et Jacques Ferrandez - Editions DS


Marie Cardinal, citée en "incipit", et que tous ses amis appelaient Moussia est partie au mois de Mai 2001. Elle laisse une œuvre qui marquera toute notre époque et tout ce que nous avons vécu. Elle a su décrire l'Algérie avec tous ses sens, mieux que quiconque. Sa langue est belle et nous charmera encore tant que nous nous plongerons dans ses livres.

Par ces quelques lignes, je lui rends hommage et admiration, teintés d'une profonde amitié.


© Françoise Bernard Briès.

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