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![]() Le "Gravier", au fond du jardin. Cliquer sur l'image pour voir Antonin de plus prés et devant un térébinthe
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Assise sur la fourche principale de "son" arbre au fond du jardin, derrière Antonin, elle tentait d'enlever de son doigt, une tache collante et sale, sur sa cuisse, sans aucun succès. Il faisait chaud. C'était la fin de l'été. La tache venait de la sève qui suintait et perçait l'écorce par endroits. Elle abandonna son travail et monta plus haut, au travers des branches, pour apercevoir la mer et savoir si elle était calme. Elle était environnée de feuilles vertes foncées et luisantes, et de petites boules rouges et grises, pareilles à des grains de poivre. L'odeur était forte, qui se dégageait des feuilles et des fruits de l'arbre, mais elle adorait ces senteurs, et pour mieux les goûter, froissait entre ses doigts et les grappes de fruits et les feuilles. Françoise était dans un Térébinthe. Pour le moment elle ignorait totalement ce qu'il était, et qu'avec lui on pouvait extraire la Térébentine dont on se servait pour nettoyer les meubles à la maison, ou qu'on diluait dans la peinture pour la rendre plus fluide. Térébinthe et Térébentine faisaient partie de son vocabulaire, sans plus; savait-elle seulement orthographier ces mots!!! Elle disait volontiers : "Je vais aux Térébinthes", ce qui impliquait qu'elle allait jouer au fond du jardin de ses Grands-Parents, au "Gravier", endroit où quatre de ces arbres s'alignaient, bordés d'un côté par une grille qui donnait sur le "boulevard de la cuisinière" (ainsi nommé parce qu'il fût longtemps le dernier repos d'un antique fourneau à charbon) et de l'autre par une balustrade et sous lesquels, un sarcophage, copie d'un de ceux de Cherchell, offrait un superbe lieu de discussion ou bien simplement un étal de fruits et légumes pour jouer à la marchande, ou encore un séchoir pour les boules de terre qu'elle confectionnait avec Guiguitte pour combattre les garçons dans les haies de roseaux. Les étés passaient et les Térébinthes étaient toujours l'endroit de rêve pour jouer. Mais la curiosité s'éveillant, elle découvrit un jour en allant en automne se promener à la "Carrière", entre Suffren et Jean-Bart, que cet endroit était rempli de buissons au même feuillage et aux mêmes fruits que ses chers Térébinthes. - "Oui, oui," lui répondit-on, lorsqu'elle eut posé la question : - "Mais, c'est la même chose que les arbres du Gravier!!!". - "Oui,...mais ceux-ci s'appellent des lentisques." Un mot nouveau venait enrichir son vocabulaire campagnard. Ce n'étaient que buissons, mais presque identiques aux arbres du "Gravier", et dans sa tête cela ne faisait qu'un seul arbre : il y en avait des petits et des grands.
Ci-contre un "vrai" perdreau et le regard de Maman qui en dit long à ce sujet...Venait s'ajouter à sa culture agronomique, le fait que les lentisques étaient la nourriture préférée des perdreaux. Le temps passa, les années aussi, et elle ne grimpait plus dans les Térébinthes du "Gravier". Mais on ne peut les oublier. Dans ses promenades et ses balades dans la campagne algéroise, avec ses amis et tous les enfants, on pique-niquait souvent. Pour ce faire, on allumait un feu et une fois la braise bien rouge, on faisait griller des côtelettes. Mais ? Oui, les côtelettes étaient enfilées sur des branchettes de...lentisque!!!Cela donnait un goût merveilleux à la viande et tout le monde se pourléchait les babines tant ces côtelettes avaient pris l'odeur et le goût du lentisque sur lequel elles avaient grillé. Dans les jardins du Kampos elle vit des perdreaux en cage - c'était une tradition - que l'on nourissait avec les graines des lentisques. Mais ce n'était pas là la destination initiale des arbres à mastic. Leurs troncs gris foncé ou clair selon l'âge de l'arbre ont une surface inégale qui présente des creux dont s'écoule cette sorte de résine naturelle qu'est le mastic... - C'est exactement cette résine qui faisait la tache que Françoise s'efforçait d'enlever sur sa cuisse, assise dans la fourche maîtresse du Térébinthe de Suffren!!! -Il semble que cette gomme ait été connue dès l'Antiquité pour ses vertus thérapeutiques, ses essences et son parfum. Pline l'ancien, Galien, Théophraste et bien d'autres encore y font référence dans leurs écrits. Cette substance est étroitement liée à l'histoire de Chios car c'est à elle que les habitants de l'île durent leur prospérité économique et sociale pendant de nombreuses années. A mon retour de Chios, où j'avais découvert tant de choses nouvelles au sujet des lentisques, je cherchais dans ce que nous appelons la bible des amateurs de plantes, "Le Bon Jardinier", le lentisque. J'appris ainsi que le lentisque est un pistachier. Il y avait donc le Pistachier lentisque - lentiscus vulgaris -, le Pistachier Térébinthe - pistacia terebinthus - , et également un Pistachier de Chine - pistacia chinensus (mais la Chine c'est loin!!!) et un Pistachier tout court -pistacia vera - qui n'est autre que le Pistachier, celui qui donne des pistaches. Nous étions loin de Suffren, de mes Térébinthes, et du "Gravier" de Grand-Papa!!!Mais je pouvais faire la distinction maintenant des arbres du fond du jardin et des buissons de la Carrière. A Chios, il y avait les deux. Le "pistacia vulgaris" est un arbrisseau touffu, de 1 à 3 mètres pouvant atteindre 5 à 6 mètres...(Qu'étaient donc en réalité mes Térébinthes???)Ils ont une feuille verdâtre, et purpurine, un tronc grisâtre se crevassant et devenant noir en vieillissant...Fournit une résine : "mastic de Chio ou Manne du Levant"...des fruits on extrait une huile en Orient.A part "Le Bon Jardinier" j'avais aussi "La Flore algérienne" du Dr.S.A.GUBB, qui réunit une nouvelle classification de la flore de ce pays, par la disposition et la forme de leurs feuilles et en illustra son ouvrage par des photographies, en 1913. Les Lentisques y sont bien-entendu cités, et j'appris ainsi que les Britanniques appellent le "Pistacia Terebinthus" : "Chio, Scio, ou Cyprus Terpentine Tree" - N'est-ce pas Christopher ? - et qu'avec les rameaux très flexibles du "Pistacia Lentiscus" les arabes confectionnent des paniers et des corbeilles.
Il y a sûrement bien d'autres découvertes à faire sur le lentisque, mais je vous ai donné tout ce que je sais sur lui, en souvenir de mes heures passées dans les Térébinthes du jardin de Suffren. J'ai découvert que l'un des potiers corinthien, Thériclès, faisait des vases très rares, parce qu'en bois de thérébinthe. Philippe, Roi de Macédoine l'avait remarqué chez un de ses hôtes à Corinthe. Un de mes lecteurs, m'a demandé, si je ne me servais pas des grains de lentisque en guise de projectiles pour une sarbacane faite avec un roseau??? En un éclair je me voyais en train de souffler très fort dans mon roseau, visant les jambes de nos ennemis les garçons, ou même celles de Guiguitte qui était un peu mon souffre-douleur. Merci Pierre...
Poussant plus avant mes recherches sur le lentisque j'ai ouvert "Flowers of the Mediterranean", ouvrage de Oleg Polunin, qui passa de nombreuses années à enseigner la botanique à Chaterhouse et Anthony Huxley, Editeur de l'ouvrage "Amateur Gardening". Ils reçurent l'appui du Directeur des "Royal Botanic Gardens, Kew" et du Conservateur de "Royal Botanic Garden, Edinburgh" Nous savons ainsi que les Pistacia font partie des Anacardiacées. P.terebinthus: Arbuste décidu de 2-5 m de haut à forte odeur de résine. Feuilles composées, ressemblant aux feuilles de Frêne, formées de 2-4 paires de folioles et une foliole terminale, brillantes en dessus, ovales ou lancéolées,non dentées sur les bords. Fleurs en grappes composées serrées naissant sur les jeunes rameaux d'un an. Stigmates et anthères pourpre rougeâtre. Fruit globuleux de la taille d'un pois, rouge puis brun à maturité. Pousse dans les collines et rochers calcaires. - Circum-médit. - |
![]() Les térébinthes |
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