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ALGER ??? CHIOS ???


jardin Rochegrosse

Le jardin de Zannis Choremi à Chios ?
ou celui de Rochegrosse à Alger ?

patio a algerBassin a Chios
Un patio : Alger et un bassin : Chios


Lorsque je visitais l'Ile de Chios, lorsque je posais le pied pour la première fois sur le sol natal de Zannis Zygomala et de Loula Vlasto, mes ancêtres, j'eus une grande émotion, le cœur en folie, les yeux écarquillés dans la nuit noire, puisque le ferry qui venait du Pirée accostait dans le port à trois heures du matin. Mais j'avais une certitude : j'étais à Chios. Je ne voyais rien mais je savais au plus profond de moi-même que j'allais découvrir une sorte de "paradis perdu", que j'allais voir ce que j'avais tant désiré : mes racines. Une partie de mes racines. Il me semblait que le temps s'était arrêté pour me donner l'illusion de vivre cent soixante dix sept ans en arrière.


Après avoir admiré le lever de soleil, sur la côte turque, à quelques milles de Chios, je me couchais en rêvant du lendemain et des jours à suivre, le sourire au coin des lèvres et le cœur au repos. La fenêtre était restée entr'ouverte et ce furent les rayons du soleil qui vinrent me caresser le visage, m'invitant à ouvrir plus grands mes yeux et me prévenant que je n'étais plus en France, mais plus loin et que j'avais beaucoup à faire ce jour nouveau.

Oranges Mon premier regard fut attiré par un oranger couvert de fruits et brusquement, cette image me reporta encore une fois loin d'ici, en Algérie, où j'avais déjà vu ce tableau. Je n'eus qu'à tendre la main. Je cueillis l'orange et la mangeais lentement, la savourant en retrouvant dans ce goût celui que je n'avais plus depuis bien longtemps.

Je n'étais pas au bout de mes surprises et de mes étonnements. Ma matinée se passa à me promener dans les ruelles du Kampos. Le Kampos, c'était l'endroit un peu l'écart de la ville de Chios, la Chora, et ce n'était qu'un immense jardin, rempli d'orangers de citronniers, de pamplemousses de mandariniers, leur feuillage vert foncé et luisant faisant comme un immense tapis lorsque l'on se penchait à, la fenêtre ou que l'on sortait sur un balcon. En admirant ce tapis, se superposaient alors dans mon esprit, les plantations d'orangers de Tabouda, la ferme de mes cousins, près de Bejaia (Bougie), Il Matten exactement, où j'avais passé aussi des moments heureux au milieu des orangers ... les orangers ??? Mais, ce sont les mêmes, à Chios ou à Alger !!! Je commençais à me sentir chez moi.

Orangers

Et je n'étais pas à la fin de mes comparaisons et de mes surprises. En me promenant dans les ruelles bordées de hauts murs couronnés de feuillages, je jetais un regard dans les jardins qui n'étaient en fait qu'une orangeraie, je trouvais aussi des lauriers roses, des acanthes, des petunia, des freezia - exactement les mêmes que ceux du jardin de Suffren, ces petits freezia jaunes, qui embaumaient et se multipliaient par centaines chaque année nouvelle - Les allées pavées de grandes dalles de pierre se perdaient sous la canopée ou menaient à la maison devant son grand escalier de pierre.

Noria Je passais par une porte entr'ouverte, et un homme, aimablement m'invita à entrer tout à fait me montrant de la main, une roue à aubes au milieu d'un bassin de marbre. Il tirait l'eau de la nappe phréatique juste au-dessous, pour arroser ses arbres et ses plantes. Où étais-je ??? Une noria ??? Dans un jardin maraîcher de Fort-de-l'eau ?? Bien sûr l'électricité avait remplacé le mulet ou l'âne mais ... le principe était toujours de règle et il était le même ici et là-bas. Je cessais de m'étonner, réalisant que vraiment j'étais dans mon "pays" !!!J'avais quitté Alger il y avait déjà longtemps, mais tout, tout d'un coup, revenait envahir ma mémoire et se déroulait comme un film surimpressionné d'une vision par une autre.

Olivier Tout au long de mon séjour, qui n'avait vraiment rien de touristique, mais de travail et de recherches, les innombrables questions qui me venaient aux lèvres sans arrêt, apportaient des réponses qui mettaient en parallèle l'Algérie et l'Ile de Chios. Il était évident que le passé de Chios était beaucoup plus riche et s'inscrivait dans la naissance des civilisations occidentales mais Chios était méditerranéenne et le restait encore comme Alger est aussi méciterranéenne et l'est encore. Mes incursions dans l'île me firent découvrir les plantations de "Mastic" qui ne sont rien d'autres que ces arbustes innombrables en Algérie, les lentisques ou encore une autre variété les pistachiers térébinthes. Les arbres de Judée étaient en fleurs... les figuiers, les cyprès, les mûriers - il y avait eu tant de travail de la soie ici - ...tous ces arbres faisaient partie de mes images avec les Bougainvilles, les palmiers, les jujubiers et les faux-poivriers qui ombrageaient les rues. J'allais oublier... les caroubiers !!!...et les araucaria qui ornaient chaque jardin du Kampos comme ils ornaient chaque jardin des villas d'Alger et de ses environs.
Les champs en fleurs abondaient de petits iris mauves de jacinthes sauvages, de tulipes et même si ce n'était pas l'époque on pouvait deviner des asphodèles, et ces cierges qui fleurissaient en automne et naissaient spontanément partout dans la campagne algéroise. La mer et ses transparences cristallines, les côtes découpées, les abris pour les barques de pêcheurs, je ne cherchais plus où je pouvais me trouver : j'étais chez moi. Les collines se striaient de banquettes en pierre, probablement millénaires sur lesquelles, immuables avec leurs troncs noueux et leur feuillage gris argenté les oliviers me murmuraient à l'oreille qu'ils ne cesseraient de nous donner de l'huile.
Turc d'Alger J'eus le temps ou la chance ou le hasard, de rencontrer à Chios, ceux qui y vivent actuellement et dont les familles étaient présentes aussi au moment des Massacres, au moment où les miens avaient fui l'Ile pour toujours. Et ce fut pour moi encore un moment fort et privilégié car je découvrais, des parents éloignés, presque des "cousins", heureux eux-aussi de rencontrer une descendante de familles qui avaient été en relation avec leurs propres familles, ou même s'étaient mariés entre eux. Tous faisaient partie de ces fameuses "Vingt Familles" qui constituaient les "Familles Nobles" de l'Ile et qui essaimèrent partout dans le monde au moment de la Diaspora, après ce qu'ils ont appelé "katastrofi", les Massacres d'avril 1822. Et en aparte, je me disais que Zannis et Loula n'avaient sûrement pas été étonnés de trouver à Alger, la flore, la faune, les turbans turcs et les costumes qu'ils avaient laissés à Chios

[Ci-contre dessin d'Edmond Bruch, époux de Julie, née Floros,
fait à Alger en 1860]


Et j'en viens alors la toute dernière des comparaisons entre Chios et Alger. S'il y avait à Chios ces Familles qui vivaient ensemble, qui mariaient leurs fils et leurs filles entre eux, pour leur bonheur, ou leur fortune, il y avait aussi Alger, surtout au début de la conquête, des familles, venant d'horizons divers, mais qui se connaissaient toutes. Le cercle était restreint. Non seulement ils travaillaient ensemble, mais comme à Chios, ils marièrent leurs enfants, eux aussi pour leur bonheur et leur fortune. Il y avait des Hommes de Loi, des Négociants, des Artisans, des Architectes, des Médecins, des Entrepreneurs...Votre curiosité est aiguisée !!! Oui je me suis un peu répétée dans cette page qui résume beaucoup de ce que j'ai pu déjà dire sur Chios... Mais, récemment, une amie, comment dire, non pas une amie d'enfance, mais une amie, parce que nos familles se connaissaient, se fréquentaient, une amie qui venait de nous donner le grand plaisir de feuilleter de splendides livres sur les peintres de l'Algérie et avec qui nous avions échangé beaucoup de choses et d'idées, qui avait préparé des expositions en France, cette amie, devenue vraiment amie maintenant, m'envoyait un croquis, de son Grand-Père, pour le mausolée qu'un peintre célèbre, Georges Antoine Rochegrosse, vivant à Alger, voulait faire faire dans le jardin de sa villa sur les hauteurs, à El-Biar, pour son épouse... et l'architecte de ce mausolée n'était autre que Gabriel Darbéda, mon Grand-Père...

Longtemps après, nous retrouvions des liens amicaux et des liens d'affaires : je fus émue en recevant ce petit mot. [Merci Marion].

Georges Antoine Rochegrosse, aimait beaucoup l'Algérie et Alger où il s'établit avec sa femme Marie Leblon dès 1900, faisant construire à El-Biar une villa "Djenan Meryem" entourée d'un merveilleux jardin.

"Dans son atelier le maître reçoit ses élèves...Il réalise des œuvres religeuses pour plusieurs églises d'Alger. Auréolé de son prestige parisien il fait partie de la commission du musée, de la Société des Artistes algériens et orientalistes, participe à toutes les manifestations artistiques, préside des jurys , aide de ses conseils les jeunes artistes algérois.Après la mort de sa femme en 1920, il vit dans sa retraite d'El-biar, retournant à Paris chaque mois de mars pour remplir ses fonctions au jury des Artistes français."

[Voir : Marion Vidal-Bué, L'Algérie des Peintres, p.278]

Il fit la connaissance de Gabriel Darbéda et devinrent amis. Il lui demanda de faire un plan pour le monument qu'il voulait ériger dans le jardin de la villa "Djenan Meryem" à la mémoire de sa femme et égérie, Marie Alexandra. De grand cœur, mon grand-père lui fit ce plan et pour le remercier, Rochegrosse lui offrit le tableau représentant le mausolée.

Le mausolée dans le jardin de la villa Djenan Meryem à Alger.
Toile de Georges Antoine Rochegrosse
[Courtoisie de la famille Darbéda ©]
Entrepreneur et constructeur : Barthélémy Vidal
Architecte : Gabriel Darbéda.

Cliquez sur l'image pour voir le croquis de Barthélémy Vidal



Cette page est dédicacée à Marion Vidal Bué.
Son Père fut un grand architecte à Alger et sa famille comme la mienne vint s'établir en Algérie les toutes premières années de la Conquête.
Elle est l'auteur d' importants ouvrages, concernant la période de 1830 à 1960 dont :
Alger et ses Peintres
L'Algérie des Peintres
L'Algérie du Sud et ses Peintres

Editions : Paris Méditerranée - 2000 - 2001 - 2003
Diffusé en Algérie par : Edif 2000

Villas et Palais d'Alger
Du XVIIIe siècle à nos jours
Editeur : Place Des Victoires Eds, paru en 2012.

Travail immense, admirablement bien documenté et abondamment illustré pour lequel nous lui rendons un profond hommage et lui apportons tous nos remerciements.


Création : 2003-12-05
Mises à jour : 2005-07-27 | 2010-01-27 | 2013-02-01 | 2013-10-11 | 2019-10-07 | 2020-02-05 | 2021- 01 22 |



© Françoise Bernard Briès

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La première image est le jardin de la villa "Djenan Meriem" de Georges Antoine Rochegrosse