CHIOS

LES MAISONS DU KAMPOS - Suite


A l'époque de l'occupation byzantine et gênoise les maisons avaient une forme particulière trés massive, sorte de "tour" équipée pour une défense éventuelle, les "pyrghi". Avec le temps et les apports architecturaux nouveaux elles évoluèrent et devinrent plus grandes et moins défendues. Elles gardaient cependant des motifs inspirés du passé. La disposition au sol était réservée aux remises, ateliers et diverses dépendances où évoluaient de nombreux serviteurs et jardiniers. Les premier et deuxième étages ouvraient par de jolies fenêtres sur la rue et sur le jardin, offrant une vue étendue sur tout le Kampos, les autres maisons, les orangeraies et au loin, la mer vers l'Est. La terrasse desservie par l'escalier extérieur jouait un rôle important, c'était le "tsardi".

Ouvraient sur cette terrasse les portes-fenêtres donnant sur les salons. Cette terrasse était l'endroit privilégié des femmes venues les unes chez les autres discuter de tout et d'autres choses importantes comme l'arrangement de mariages entre filles et garçons, héritiers ou hétières d'une grande fortune qui viendrait encore grossir les biens de l'un ou de l'autre. C'est ainsi que les généalogies de ces familles montrent combien de "cousins" avaient épousé de "cousines".



Sur cette élévation on peut voir les étages, la coupe de l'escalier montant à la terrasse, le "tsardi" et en-dessous les portes des communs. Le dessin de la pierre montre avec quel souci d'exactitude les constructeurs montaient leurs murs. Cette pierre, exploitée dans les carrières de Thyminia, petit village au Sud du Kampos et presque dans ses limites est d'origine volcanique. Sa couleur rouge brunâtre, peut varier à l'infini passant du foncé au clair et donnant ainsi au Kampos une couleur unique se mariant à la perfection avec le feuillage des orangeraies.L'assemblage des pierres s'est fait parfois à sec et parfois jointoyé. Le résultat est toujours aussi spectaculaire et confère à ces maisons un caractère unique.

La révolte de 1822, le tremblement de terre de 1881 les ont énormément détruites. On tente actuellement une restauration dans le souci de la conservation de ce patrimoine et c'est un projet qui je l'espère verra bientôt sa réalisation. Je me demande quand même pourquoi les familles émigrées de Chios et qui se sont établies aisément dans leurs pays d'accueil, ne sont pas venues ici dans cette île protégée pour y entretenir leurs propriétés et leurs maisons. Peut-être le souvenir trop fort de leurs souffrances et de leur exil les a-t-il retenus.

Il faut continuer de se promener dans ce petit paradis et admirer les portails qui ouvrent sur toutes ces propriétés. Ils sont bâtis sur le même plan, mais chacun a sa propre identité, élevés en pierre de Thyminia, avec une arche bi-colore claire et foncée, au-dessus de laquelle, en marbre, étaient encastrées les armes de la famille propriétaire, avec la date de construction. Malheureusement les pillages et les catastrophes n'ont laissé que peu de ces armes, et leur remplacement n'est guère harmonieux. Au-dessus de l'arche et des armes, une grande corniche protégeait l'édifice, des intempéries.

Portes et fenêtres étaient aussi très ouvragées. Les cadres solides, en pierre, soutenaient une arche dont les voussoirs alternaient en couleur foncée et claire, comme les portails, rappelant en cela l'architecture byzantine, avec au milieu de l'arche semi circulaire une petite ouverture donnant de la lumière, d'une forme byzantine aussi. Quand aux arcatures admirées dans de nombreuses maisons elles datent des constructions les plus anciennes.

De nombreuses pièces dans la maison sont voutées, leur donnant ainsi un large volume et une impression d'envolée. On voit dans ces voutes soutenues par des piliers légers, une inspiration tout à fait arabe.

Les toits peuvent être différents : soit assez plats en tuiles byzantines, soit pointus, à quatre pentes, mais ces derniers sont les plus récents. Quand aux ornements des cours, des jardins, des terrasses, ils sont le plus souvent en marbre ou en pierre calcaire poreuse, sculptés.

Sur les plaques qui ornent le bas des colones de la citerne, ou plutôt du bassin, dans la cour, sont gravés des dessins typiques byzantins, deux cyprès, des œillets, la fleur par excellence, et des rosaces. Le Musée Byzantin de la ville de Chios en conserve de remarquables. Chapiteaux de colonnes et petits bassins, sont en marbre et finement sculptés eux aussi.

Il est certain que l'on voit dans toutes le maisons du kampos, une très grande influence gênoise, byzantine et ottomane, voire baroque. Origines différentes certes, mais qui fusionnent harmonieusement.

Cet endroit a sa raison d'exister depuis si longtemps!!!. S'il y a ici tant d'orangers, de citronniers, de figuiers, et autres espès fruitières c'est pour une bonne raison : l'eau. Et comme dit le Coran : "C'est de l'eau que vient toute vie." Contrairement au reste de l'île assez aride, le Kampos repose sur une nappe phréatique peu profonde mais importante. De nos jours, on n'entend plus le grincement des roues à aubes, mais tirée par des pompes électriques - c'est bien dommage, mais plus pratique - l'eau continue d'irriguer les arbres comme au temps des gênois ou même plus avant.

Tous ceux que nous avons rencontré à Chios, maintenant nos amis, aiment le Kampos, nous l'avons aussi beaucoup aimé et admiré et souhaiterions qu'il soit préservé. Il est unique et merveilleux. Pourquoi ne ferait-il pas partie du Patrimoine hellènique ?


  • Création : 1999-07-15
    Mises à jour : 2003-11-16 | 2005-07-25 | 2012-12-01 | 2019-11-25 | 2020-11-03 | 2021-02-22 |

  • Bibliographie

    "The Kampos of Chios", by Fanny Aneroussi and Leonidas Mylonadis

    AKRITAS PUBLICATIONS - Smyrne


    © Françoise Bernard Briès.

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