Parent Folder Eloge du petit bourricot


bourricot a Bou Saada

A Bou-Saâda, dans la palmeraie, Françoise un peu fière sur sa monture
Remarquer la selle de Spahi...


Dans une conversation avec l'une de mes cousines, récemment, je ne sais pourquoi nous en sommes venues à parler de montures dans les fermes ou bien simplement dans la campagne. Je parlais ausitôt de "bourricots" et elle s'empressa de me corriger en me disant on dit "ânes". Mais non répliquai-je on dit "bourricot" Il est vrai qu'à Alger, l'on ne parlait que de bourricots et non d'ânes et à plus forte raison pas non plus de baudet, ce nom étant réservé aux animaux originaires du Poitou et dont nous pouvions admirer un superbe exemplaire chez une amie de ma Grand maman, Mme Crespin, qui habitait Sétif et y avait une ferme modèle où elle avait fait venir ce superbe baudet, qui, croisé avec nos petits bourricots, en améliorait la race, et aussi des béliers de Rambouillet pour améliorer la race de moutons indigène.

Le bourricot était donc omniprésent en Algérie, et depuis la nuit des temps il transportait tout mais vraiment tout, dans le Maghreb et le Moyen-Orient, y compris le petit Jésus et la Sainte Vierge en Galilée nous en avions vu tellement d'images !
Pour moi petite, il était toujours, le "pauvre petit bourricot" expression de ma grand mère maternelle qui versait presque une larme lorsqu'elle croisait un bourricot chargé jusque par-dessus les oreilles de charges diverses. Ainsi, le bourricot, flanqué de ses deux adjectifs " pauvre et petit" venait alimenter ma culture de la faune algérienne, avec aussi, les rasoirs comme le lentisque ou les palmiers et les figuiers avaient alimenté ma culture de la flore.

le bourricots de la casbah

Les petits bourricots de la Casbah, croqués sur le vif par Edmond Bruch
mon arrière grand-père.

J'appris ainsi que les bourricots avaient un rôle extrèmement important, dans la casbah d'Alger, parce qu'ils servaient de bennes à ordures. aucun véhicule ne pouvant circuler dans les étroites ruelles, ils avaient été trouvés parfaits pour grimper ces rues en pente, ou même des escaliers très étroits. Ils avaient leurs conducteurs et leur obéissaient parfaitement. Le soir ils rentraient non pas dans leur garage, mais dans une écurie spécialement réservée. Ainsi les bourricots faisaient partie intégrante de la vie algéroise et de plus on en voyait partout aussi dans les campagnes.

les bourricots de la casbah au repos

Les petits bourricots de la Casbah au repos. Dessin de Charles Brouty.

Lorsque j'eus neuf ou dix ans, mon oncle Gorges Darbéda m'offrit une superbe selle en filali rouge, copie des selles des spahis dont on admirait les jours de fête les défilés dans les rues d'Alger. Avoir une selle c'était bien, encore fallait-il la monture pour l'y installer. Aussitôt dit aussitôt fait. Nous partîmes à Maison-Carrée un jour de marché pour y acheter le bourricot promis par ma grand-mère. Il serait à Suffren, chez Saïd et je pourrais ainsi m'adonner aux joies de la monte à bourricot, préambule aux joies de la monte équestre dont je mourrais d'envie. Comme j'avais déjà goûté aux joies de la monte "bourricot" lorsque j'allais avec mes parents et grands parents à Bou-Saâda

(comme vous pouvez le voir ici et là ! )accompagnée il est vrai d'un chaouch à ma taille je me réjouissais d'avance de monter ma "Riquette" - c'était le nom dont je l'avais baptisée - Elle allait me donner beaucoup de joies, mais aussi beaucoup de contrariétés, un bourricot et à plus forte raison une bourrique a ses propres idées et n'en fait souvent qu'à sa tête.

Donc me voilà prête à parcourir le monde - au moins ! - bien calée sur ma superbe selle et donnant des coups de talon dans le ventre de ma monture. Elle ne bougeait pas d'un poil, ses sabots solidement plantés dans le sable. Bon, avec un roseau j'arrivais malgré tout à la faire avancer d'un pas tout juste, mais ce n'était pas vraiment un vrai départ. Heureusement Michou eut une idée de génie. Il faut dit-elle une boîte en fer avec des petits cailloux et la lui agiter à côté des oreilles. On trouva la boîte, les cailloux et hop contre ses oreilles ! Elle n'attendait que cela. Elle parti au galop m'entraînant dans une course superbe et me faisant faire pour le moins, le tour de Suffren. Pas très rassurée Françoise ! Mais de retour je mis pied à terre devant la famille réunie, et promis que je monterais de nouveau demain ! Demain nous attendions des amis, petits et grands, je veux dire les parents et les enfants, et l'attraction de la journée fut évidemment "Riquette".

Le lendemain, donc les amis arrivèrent. et tous de vouloir monter sur Riquette. Ils montèrent bien sur et les parents firent une photo !


Riquette, et tous les amis de FBB
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Ainsi la vie allait son train, et Riquette et moi faisions de plus en plus bon ménage. Je grandissais, Riquette non. Un jour - oh grand malheur j'arrivais à Suffren et stupeur plus de Riquette chez Saïd ! On m'apprit avec beacoup de ménagement que Riquette avait été vendue ! heureusemet à un bon et gentil maître qui ne l'accablerait pas de charges et de travaux trop durs. J'ai beaucoup pleuré vous vous en doutez. Mais je me rattrapais un peu à la ferme de mes cousins, près de Bougie, "Tabouda", en partageant le bourricot avec Nanie ma cousine et nous étions toutes deux contentes ! Bien que je fasse un peu la grimace !

Nanie et moi sur le bourricot de la ferme, qui n'était pas si facile que cela à monter !

Mais il faut que je vous dise aussi que nous n'étions pas les seules à monter sur nos bourricots. Voyez ci-après Suzie et Marcel-Pierre à El Amri sur la même monture, un tout petit peu avant nous.

Marcel-Pierre et Suzie Treille à El Amri, près de Biskra, où les dattes étaient les meilleures du monde !!!

Le temps passant, laissons au temps le temps (et ce proverbe contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'est pas de notre président Mitterand mais simplement un proverbe espagnol !! - Dar tiempo al tiempo - oui ! il a copié !!!) et vous me retrouverez cette fois-ci sur un cheval, toujours à Tabouda un peu plus tard.

FBB sur Messaouda, à Tabouda. Elle fut sauvagement tuée par les fellagha au moment de l'indépendance

Mais rien ne pourra me faire oublier Riquette et tous les petits bourricots vus dans ma vie, surchargés et l'oreille basse ou dressée mais continuant bravement leur chemin, ou alors avec son conducteur, assis sur sa croupe, mais vraiment très en arrière et j'entends encore son "Arrri Arrrriiii" pour le faire avancer.

Dessin de Edmond Bruch, en 1860 à Alger


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